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Lys dormait d’un sommeil que rien ne semblait en mesure de pouvoir déranger. A ses cotés, La Mère s’était endormie un peu après. C’était la discussion la plus chargée en émotions que cette forêt avait connu par le passé. Elles s’étaient toutes les deux enlacées à la fin, la moitié du corps dans leur sac de couchage.
- Demain, lui avait dit La Mère, nous ne serons qu’une !
Lys l’avait regardée, et des larmes de joie avaient coulé sur ses joues.
A deux mètres de leur tente, un feu brûlait dans cette nuit froide, la flamme menaçait de s’éteindre en essuyant une après l’autre des rafales de vent. Le bruit sec d’une branche qui se casse sous la pression d’un pied, passa inaperçu. Même l’ouïe extraordinaire de La Mère ne détecta rien, persuadée que cette nuit serait la nuit du repos et demain, la journée de l’éveil pour Lys, elle avait pour la première fois baissée sa garde.
L’homme grimaça en ce mordant la lèvre inférieure, il détestait commettre des erreurs, même ce genre d’erreurs. Il localisa son objectif à dix mètres devant ses yeux, plantée à proximité d’un feu. La vision de cette chaleur diffuse déclencha en lui, le mépris. Ces êtres, il les haïssait parce qu’ils étaient fondamentalement fragiles, au-delà de leurs dons et de leurs aptitudes à se les transmettre, ils restaient des êtres vulnérables. Il jugea d’un coup d’œil la distance et d’un bond la franchit, en passant au-dessus du feu pour atterrir pile près de la tente, avec une réception feutrée. Son ombre ne se projeta pas sur la toile, il avait calculé ce détail. Les rafales de vent cessèrent tout à coup, éteignant le feu sur le sillage de la dernière, les braises furent dispersées pour mourir en se consumant d’un trait. Il n’aimait pas du tout cela. Des deux occupantes de cette tente, il y en avait une qui pouvait générer ce qui venait de se produire. Elle se faisait appeler La Mère. Il ne la craignait pas, comme il ne craignait pas tous ceux de son espèce. Non. Mais il redoutait la grande diversité de leurs dons. On ne pouvait définir avec certitude ce dont ils étaient affublés et ceux, au contraire, qu’ils ne possédaient pas. L’imprévisible de leurs armes défensives, voilà ce qu’il redoutait.
Le ciel se couvrait de gros nuages annonciateurs d’un orage proche. Il devait agir. Vite. Au loin un grondement arriva jusqu'à ses oreilles, au moment ou silencieusement sa lame fendait la toile, ouvrant une brèche sur ses victimes emmaillotées. Le vent s’engouffra immédiatement, faisant gonfler la tente, de la main droite il transperça la pauvre gorge de La Mère, tandis que de sa main gauche il collait un tissu imbibé sur le visage de Lys. La Mère dormait sur le flanc droit, la lame lui traversa la gorge de part en part, la pression fut si forte, qu’elle mourut la tête clouée au sol. Lys se réveilla en sursaut, pour aussitôt se sentir paralysée, tous les membres engourdis, elle sombra malgré elle dans l’inconscience, avec la désagréable sensation de perdre une chose chère à son cœur.
Il avait agi vite et bien. L’obscurité n’avait jamais été un inconvénient pour lui, il y voyait aussi parfaitement qu’en plein jour. Ces deux gestes, l’un qui avait donné la mort, et l’autre qui avait épargné la vie, il les avait exécuté en l’espace d’un éclair.
Une pluie fine avait commencé à tomber, il avait tiré la fermeture éclair du sac qu’il portait sur l’épaule, son contenu devait parvenir intact là où allait.
Je savais au moment ou je l’avais regardé qu’elle ne m’aimait plus. C’était pour cela, que je ne lui avais pas demandé. Un monde s’écroulait sous mes yeux, et j’avais du mal à réaliser que c’était le mien. Je m’étais levé sans chercher à nouveau son regard, et j’étais parti.
Je voulais fuir. Peut-être pour éviter de pleurer. Je n’en savais rien. Mais je voulais pardessus tout, fuir. Fuir ses paroles, qui auraient eu l’odeur de ce qu’elle n’était plus. Amoureuse. Fuir son baiser, dans lequel je n’aurai plus senti ses propres lèvres, mais celle d’une inconnue.
En passant l’entrée du bar, elle avait dit mon nom une seule et unique fois. A chaque pas qui m’éloigna d’elle, je priais pour qu’elle ne tenta pas de m’arrêter. Suppliais le sort qu’il m’évite de plonger mes yeux encore une fois dans les siens. Car la douleur que j’éprouvais à cet instant, m’aurait fait fondre en larme, comme un enfant.
Je l’aimais. Je me rappelais de son nom, comme celui d’une personne que j’avais perdue. A quel moment, j’étais incapable de le dire. Un an après cet épisode tragique de ma vie, je l’aimais toujours, et il m’était souvent arrivé de me demander si ce n’était pas dans ce bar que je l’avais perdue. Elle avait cherché à me voir à plusieurs reprises. A rentrer en contact avec moi. Mais pas une seule fois elle n’y était parvenue. Sur mon répondeur un soir, elle m’avait laissé un message dont je me souvenais de chaque parole, tant le doute qu’il m’avait laissé, creusait en mon âme un trou si profond que j’avais envie de m’y jeter. Sa voix parlait avec un ton que je ne lui connaissais pas. J’imaginais son visage sans difficulté mais réalisais difficilement que c’était bien elle. Elle regrettait, que je ne lui ai laissé aucune chance de s’expliquer, que je l’efface de ma vie de cette façon aussi définitive. Mais elle ne m’en voulait pas.
Je l’avais écouté, partagé entre la haine et le regret, pour finalement me demander si elle était assise ou debout, si son visage était meurtri par la tristesse, ou pas. Toutes ses questions prenaient naissance dans une partie de mon cerveau que je croyais verrouiller à jamais. Et je comprenais à mesure que je découvrais le message, avec cette voix, ce ton, ces paroles, qu’elle me ferait réaliser des choses que j’avais totalement occultées. Je voulais qu’elle m’épouse, c’était mon vœu le plus cher. Jamais de ma vie je n’avais souhaité une chose aussi fort. Je pensais que mon amour pour elle, suffirait à exaucer ce vœu. Mais elle ne faisait que remettre à plus tard, toujours à plus tard sa décision. Prétextant le risque qu’une telle cérémonie avait de tout gâcher entre nous deux. Je comprenais parfaitement ses craintes, nous étions tous les deux enfants de parents divorcés, mais j’essayais de la convaincre que nous étions aussi, différents de nos parents, que nous ne ferions pas la même erreur, qu’il suffirait de ne jamais l’oublier, de toujours le garder au fond de notre cœur.
Un jour nous nous sommes séparés, pour la première fois depuis 5 ans. Par un commun accord, il avait été décidé que nous devions vivre chacun loin de l’autre durant un certain temps pour y voir plus clair sur notre relation. Aujourd’hui je me rendais compte que cette idée était plus la mienne que la sienne. Et le déchirement qui s’en était suivi, ravivait mes souvenirs, des larmes qu’elle avait versé pour que je ne la quitte pas. C’était à l’époque, la meilleure chose à faire, le moyen de la mettre au pied du mur, qu’elle réalise à quel point je tenais à elle.
Beaucoup trop de temps ne s’était écoulés avant que l’on ne se revoie. Et je craignais que ce temps ne l’ait éloigné de moi, au lieu de m’en rapprocher. Trois mois pouvait paraître court, mais quand on était séparé de ce pourquoi on vivait, de ce qui nous faisait vivre, les secondes se transformaient en minutes, les minutes en heures, et les heures en jours. Je lui en voulais de pouvoir laisser autant de temps s’écouler, et la soupçonnais de ne plus aimer, sans oser me l’avouer.
Elle avait choisi ce bar dans lequel nous nous étions rencontrés la toute première fois. Mais à ce moment là mes souvenirs étaient ensevelis sous une couche de frustrations, j’étais comme un canon, prêt à verrouiller sur sa cible et tirer à tout moment. Un seul et unique tir. Une seule et même cible. Quand elle avait franchi le seuil du bar, que nous nous étions regardé yeux dans les yeux, immobiles, le temps s’était arrêté. Ainsi que les battements de mon cœur. Les derniers battements d’amour qui subsistaient en moi.
Ce que j’avais perçu, et interprété, c’était ce que je croyais à ce moment là, lire dans ses yeux. Mais j’étais dans l’erreur, d’une trop grande intoxication de mon esprit. Son message disait qu’elle m’aimait plus que jamais. Ce temps loin de moi, avait fait naître en elle, une toute autre femme, qu’elle n’était pas parvenue à comprendre, ni à contrôler. Mais elle était persuadée que cette nouvelle vie ne pouvait s’épanouir, qu’en étant, intimement liée à la mienne. Elle tenait à ce mariage, oh oui elle y tenait, si moi, j’acceptais à mon tour, de lui redonner sa chance. Voilà ce qu’elle voulait me dire dans ce bar, sans trop savoir si je la reconnaîtrais et l’accepterais telle qu’elle était maintenant. Ce message je l’avais écouté jusqu’au bout, pour le réécouter encore, et encore les jours suivants. L’erreur que j’avais commise était impardonnable.
Le monde est beau ! pensa Nick , couché sur son lit à coté de Léa. Ils avaient fait l’amour et il se sentait l’âme d’un poète, le regard perdu sur le plafond de sa chambre.
- Nick ? Dit Léa, elle aussi fixant le plafond.
- Ouais. Répondit-il, pensif.
Elle marqua une pause.
- Tu m’aimes toujours ?
- Bien sur ! étonné par cette question, surtout après ce qu’ils venaient de faire, c’était évident.
- Non, repris Léa, est ce que tu m’aimes comme hier ?
Là ca changeait tout, hier ils n’avaient pas fait l’amour pour la première fois. Il pris quelques secondes de réflexion.
- Je t’aime autant qu’hier, et le fait qu’on ai couché ensemble, ne change rien, dans mon cœur.
Il attendit sa réaction, en se demandant s’il avait dit ce qu’il fallait.
- Tu es gentil, lui dit-elle en se tournant vers lui pour l’embrasser sur la joue, et il pensa alors, « le monde est vraiment beau ».
Léa s’apprêtait à sortir du lit, quand Nick pris conscience qu’elle allait partir comme ca, après lui avoir dit qu’il était gentil, il se releva brusquement en s’accoudant sur son oreiller.
- Quoi tu pars ? Lui demanda t-il nerveusement.
- Oui. Tes parents vont pas tarder.
- Mais non, ils sont chez des amis, je ne te l’avais pas dit ?
Elle était debout et enfilait sa culotte. Lui tournant le dos elle lui lança :
- De toute manière, on va pas rester coucher !
- Et pourquoi pas ? Tu ne trouves pas que c’est un moment important ? dit-il sans conviction.
Elle mis son soutien gorge et fit quelques pas en arrière pour se rassoire, toujours en lui tournant le dos.
- Pourquoi tu ne me regardes pas ?
Elle pivota de profil et il vit des larmes dans ses yeux. Il s’approcha d’elle et lui passa son bras autour du cou.
- C’est à cause, de ce que j’ai dit ?
Elle remua la tête pour dire non.
- A cause de ce que tu as dis alors ? avec humour. Elle esquissa un sourire en posant la tête sur son épaule.
- Non plus. Lui dit-elle.
Il réfléchit, et ne trouvant pas quoi dire, il se dit à lui-même, que peut-être devait t’il se taire tout simplement. Elle releva la tête de son épaule et lui dit :
- Qu'est ce qu’on fait ?
- D’abord, dit-il en se levant pour mettre son caleçon, elle parut gêner pendant un instant,
- tu veux manger quelque chose, parce que moi j’ai une de ces faims.
Nick sortit une cannette de coca-cola du frigo et gardant la porte ouverte lança à Léa qui finissait de se rhabiller dans la chambre :
- Tu veux ne veux rien c’est sur ?
- Non.
Il examina en détail ce qu’il avait devant les yeux, et porta son choix, pour accompagner son coca-cola, sur une cuisse de poulet rôti, reste de ce midi, que sa mère lui avait mis de coté. Léa s’était assise sur le divan du salon, elle avait remis son jean, avec un corsage Naf-Naf, qui lui arrivait au-dessus du nombril. Quand il entra, elle l’observa sans dire un mot. Il s’assit sur une chaise en l’orientant dans sa direction, posa sa canette sur la table, et mordit dans la cuisse, qu’il tenait à pleine main.
- Tu veux qu’on sorte après ? Dit-il après avoir avalé une bouchée. Elle croisa les jambes, réfléchissait quelques secondes avec un air malicieux, puis se leva pour prendre la canette sur la table.
- Je peux ? Lui fit-elle en la décapsulant.
- Bien sûr !
Elle bu deux gorgées en s’asseyant maintenant sur les jambes de Nick. Puis elle s’étira, lui frôlant le front de l’avant bras.
Lys était accoudée au balcon de la villa sur pilotis, elle découvrait seulement ce matin la merveilleuse plage, ainsi que la mer dont elle avait entendu les vagues hier soir pendant leur arrivée elle et son père. Elle était habituée à tous ces déménagements successifs et chaque fois ces arrivées tardives, mais cette fois-ci ils n’étaient plus isolés, cette nouvelle maison la laissait entrevoir une vie totalement différente. Le sable la bas paraissait si doux, qu’elle voulait en profiter le plus vite possible. Elle voulait aussi se faire des amis qu’elle garderait longtemps. Si seulement elle pouvait ne pas se tromper, que ce qu’elle ressentait se réalise. Lys aimait son père plus que tout au monde, d’ailleurs il était son unique famille, elle ne ferait rien qui puisse le décevoir, mais elle désirait vivre comme les toutes les filles de 13 ans, un chien noir et blanc déambulait sur la plage, la truffe au sol, cherchant probablement de quoi se mettre sous la dent, avoir un chien aussi oh oui elle voulait un chien, elle l’appela celui ci en faisant des sons attractifs avec la bouche. Le chien s’arrêta puis leva la tête vers le balcon. Il regarda Lys quelques secondes et poursuivit son chemin jusqu'à disparaître. Elle aurait voulu lui lancer quelque chose à manger pour qu’il se souvienne d’elle. Jamais elle n’avait possédé d’animal de compagnie, son père répondait que c’était pour éviter qu’elle ne soit malheureuse de devoir les abandonner, mais ce qu’elle ne lui disait jamais c’est qu’elle l’était de toute façon. Malgré tous les cadeaux qu’il lui faisait, tous les lieux qu’elle visitait, elle savait au fond d’elle-même qu’il lui cachait des choses. Alors il y avait de sujets qu’ils n’abordaient plus ensemble et un fossé se creusait entre son père et elle, un fossé qui lui faisait mal.
- Lys !
La voix de son père provenait de l’intérieur de la villa, elle sortit de ses pensées et tourna la tête pour qu’il puisse la voir à travers la baie vitrée.
- Papa !
- Chérie, où es-tu ?
- Je suis sur le balcon, je regarde la mer.
Un homme d’une trentaine d’années en peignoir de bain les cheveux en bataille, fit son entrée.
- Papa, c’est merveilleux ici.
Elle lui pris la main et le rapprocha de la balustrade pour qu’il admire la vue.
- Regarde.
Elle vit dans ses yeux cet air qu’elle connaissait, ce mélange de joie et de tristesse, qu’il avait la plupart du temps.
- Papa, tu sais, j’espère qu’on va rester longtemps dans cette maison.
Son père délaissa le paysage pour porter son attention sur elle.
- Ca te plait vraiment ?
- Oui, bien sur !
- Alors je ferais de mon mieux pour que nous restions le plus longtemps possible.
Lys n’en croyait pas ses oreilles, son souhait se réalisait, elle serra son père dans ses bras, et tout en regardant la mer, elle pensa très fort dans sa tête…Le plus longtemps possible…Le plus longtemps possible…Le plus longtemps possible.
Je ne suis jamais né et je ne mourrai jamais. Je n’existe pas, mais parmi vous pourtant je me sens vivre, je me sens, mortel, et j’arrive presque à croire, qu’un jour lointain, j’ai peut-être été enfanté par une mère. Mais il n’en est rien. Non, je suis différent de vous, et cette différence commence, dans ce que vous nommez, l‘Ame. Votre Ame ne connaît qu’une réalité, la mienne en connaît des milliers. Je vous vois vivre, je vous sens vivre, je vous vois mourir, je vous sens mourir. Vos enfants seront finalement toujours votre unique espoir de donner un sens à votre condition humaine. Vous ne supporteriez pas de vivre une seule journée dans mon corps.
Il se jura de ne jamais oublier de se souvenir. L’autre partie de lui-même se laissait envahir par le flot de bonheur qu’il éprouvait et qu’il devrait se restituer aussi fidèlement que possible lorsque tout serait fini. Se souvenir. Se souvenir. Il savait que le temps effaçait l’intensité de l’instant et que le corps oubliait alors ce qu’il avait vécu, mais il voulait défier la vie. Conserver ce qu’elle voulait escamoter. Len tendit la main pour la poser sur la joue chaude de Lys et avec un ton qui l’étonna lui même, tant ces paroles lui étaient précieuses, dit :
- Moi aussi je t'aime Lys.
Le moment magique qu’il partageait avec Lys devait rester graver dans sa mémoire à jamais. Il se l’était juré. Lys inclina la tête du coté de sa main, la tendresse se lisait dans ses yeux, ce contact semblait lui procurer une sorte d’ivresse qui lui donnait l’air d’être soumise à son geste et à ses souhaits. Len se remplissait de tout de tout ce qu’il voyait, ressentait, il faisait de tout cela une immense banque de données affectives, qu’il mettrait en attente. Ce qu’il vivait avec Lys, n’était pas diffèrent de ce qu’il avait vécu avec Nessi, mais il avait appris que même deux choses identiques pouvaient avoir sa propre raison d’être. Il glissa sa main le long de la joue de lys en une longue caresse jusqu’au bas de son cou, puis jusqu’à son épaule droite qu’il serra affectueusement. Il passa ensuite son autre main à l’arrière de sa tête, et sans qu’elle n’oppose aucune résistance il rapprocha Lys de lui, de son visage, de sa bouche. Alors il l’embrassa, comme il avait embrassé Nessi, il sentait sa langue se mêler à la sienne, le goût parfumé de celle ci, et il vivait intensément chaque seconde. Des secondes qu’il se souvenait avoir déjà vécu, mais deux choses identiques, deux raisons d’être.
Les questions se bousculaient dans son esprit, chacune d’elle semblait vouloir atteindre sa raison. Il fallait qu’elle réagisse, mais en faisant quoi. Elle ouvrit la malle, devant laquelle elle se tenait et qu 'elle avait trouvé dans un coin du grenier, la malle de son grand-père. Elle ne fut pas surprise en voyant qu 'elle était vide. Son grand-père lui avait dit, que cette malle ne contenait que ce qu 'elle ne voulait pas y trouver. Et elle cherchait justement des réponses. Cybile n’avait que 9 ans, la magie était en quelque sorte une canne qui l’aidait à avancer dans l'existence. En refermant la malle, elle éprouva une profonde tristesse et pour la première fois depuis le décès de son grand-père, elle posa sa joue sur le bois froid de la malle, et pleura. Sa mère était assise un étage au-dessous, dans le salon, à cents lieux d’imaginer sa petite fille au grenier, versant des larmes. L’album photos qu 'elle regardait, l’avait emmené une bonne soixantaine d’années en arrière. Les photos avaient jauni avec le temps et plusieurs ne collaient plus du tout aux pages, mais cet album restait d’une grande valeur à ses yeux. Car il montrait deux êtres, jeunes et pleins de vie, qui n’étaient plus aujourd'hui. Son père était mort l’an dernier. Cinq ans après sa mère. Elle avait toujours pensé que le chagrin y était pour beaucoup. Il avait vécu les cinq dernières années de sa vie dans cette maison, en pleine campagne. A sa mort elle en avait hérité. Elle connaissait l’amour qui liait Cybile à son grand-père, et en venant dans cette maison, pour y passer 2 mois entiers, elle espérait ne pas avoir commis une erreur.
Il existait des choses profondément ancrées dans sa mémoire dont il n'arrivait pas à se défaire. Aussi loin qu'il pouvait remonter dans son passé, ces choses avaient toujours fait partie de lui. Si l'on m'avait demandé de définir cet homme, je ne me serais jamais permis de le juger, car il faisait ce que son inconscient lui commandait, et en souffrait terriblement. Le jour de sa 29 ième année, j’assistais à la fête qu'il avait organisé un peu mal à l'aise je dois l'avouer, car je ne connaissais aucun des invités, excepté cet homme que j'avais rencontré par hasard quelque temps plutôt chez une amie. Son intérêt pour l'ésotérisme nous avait conduit ce jour là à une longue conversation dont j'avais malheureusement du couper court par manque de disponibilité, mais en nous quittant j'avais eu l'intime conviction que nous nous reverrions. Trois mois plus tard je recevais son carton d'invitation. Carl Malden me conviait à son 29 ième anniversaire.