Je la connais. Elle et moi nous avons fait connaissance, une seule fois. Ensuite nous nous sommes revus, et nos regards se croisaient intimement. Il se créait comme une complicité entre nous deux. Je ne l’aime pas. J’aimerais simplement. Notre première rencontre était déjà une rupture. Les autres des éloignements successifs. Quand je la revoie, je nous revoie elle et moi, la première fois que l’ai rencontré, dans ce tramway bondé, nous étions cote à cote, yeux dans les yeux, en deux secondes nous avions fait connaissance. Je nous revoie, dans ces rues piétonnes, nous croiser, en laissant échapper ce regard intime qui au fil des jours devient cette complicité, notre complicité. Je ne l’aime pas, j’aimerais simplement.
Ces choses que les grandes personnes vous disent, et que vous comprenez bien plus tard, et bien, c’était l’une de ces choses que Many comprenait maintenant, couché à même le sol les yeux horrifiés par ce qu’il avait vu. Son petit corps de 6 ans, se tenait en position fœtale, au pied de l’arbre, sur lequel était construit une cabane, et dont il n’avait pu trouver la force d’atteindre l’entrée tant sa peur était grande. Ironie du sort il s’y était toujours senti en sécurité, surtout du temps ou son père était encore en vie ils s’y passaient des heures entières, à discuter et à rire, c’était lui qui avait aidé Many à monter les lourdes planches tout la haut. Des rayons de soleil se frayaient un chemin parmi les feuilles, certains parvenaient jusqu’au sol, et touchaient le visage de l’enfant. Derrière ses yeux vitreux, une faible conscience refaisait surface, comme guidée par ce petit trait de lumière aveuglant qui lui barrait les yeux. Au loin, dans les champs de riz, une voix criait son nom et semblait se rapprochait. On le cherchait. Many prenait conscience lentement de l‘endroit ou il se trouvait. Il tremblait nerveusement, et s’apprêtait à grimper sur l’arbre, lorsqu’il reconnu la voix de sa mère.
Claire Bisdin, s’arrêta à un mètre de son fils. Cela faisait plusieurs heures qu’elle le cherchait. D’abord autour de la maison ou il était sensé s’amuser, ensuite dans les champs, et jusqu'à la cabane. Elle ne savait pas si elle devait le gronder ou se rendait-elle compte honteusement, le prendre dans ses bras. Elle souleva Many et le serra très fort contre elle. Il était comme vide, plus léger que d’habitude, son petit short rouge était trempé, la panique l’emporta et machinalement elle scruta les alentours sans bien savoir ce qu’elle cherchait. Elle l’emmena ensuite son fils loin de cet endroit, et parvint à retrouver son calme seulement passé le pas de sa porte, et le verrou fermé à double tour.
Le mur était tapissé de dessins représentant des gravures d’époque. On s’asseyait et, un climat s’installait. Oh bien sûr ce n’était que les w.c, mais c’était aussi, des odeurs, des couleurs, des ambiances d’autrefois.
Son visage était trempé par la pluie, mais aussi par des larmes. Quand elle était sortie de chez Steve pour rejoindre sa voiture, de grosses gouttes tombaient déjà mais elle ne s’était pas pressée pour l’atteindre. C’était seulement en s’asseyant derrière son volant qu 'elle s’était mise à pleurer. Sa robe lui collait au corps, et son siège était trempé. En essuyant ses larmes du revers de la main elle emprunta la sortie du parking. Les essuie-glaces fonctionnaient à plein régime, dégageant malgré tout que partiellement l’eau du pare brise. Cette pluie semblait alimenter son propre chagrin, car ses larmes ne cessaient pas de couler. Au dernier carrefour menant à son appartement, elle manqua de percuter des enfants qui traversaient en courant. La voiture stoppa sur le passage pour piétons. Ne pouvant faire marche arrière à cause d’une file de voiture, elle se traita de gourde et se détesta démesurément. Elle avait dépassé le feu rouge, d’un bon mètre et n’ayant aucun repère, elle dût attendre les klaxons de mécontentement, pour repartir quand le feu passa au vert. Pourquoi tout semble rajouter à votre malheur le jour ou vous souffrez ? Cette question prit forme dans son esprit sans qu 'elle le veuille et le caractère philosophique ne la laissa pas indifférente. Elle voyait le portrait d’une femme de 28 ans, incapable d'assumer une histoire d’amour jusqu'au bout. L’histoire d’une vie jalonnée d'échecs. Son histoire.
Elle était là sans être là. La savoir ailleurs et sans lui, Nil n'aimait pas y penser. Mais Tessi dormait et dans son sommeil elle rêvait il n'y pouvait rien. Souvent il la regardait comme cette nuit là, c'était plus fort que lui, ils s'endormaient ensemble, puis Nil se réveillait tout à coup et ne trouvant pas le sommeil il tournait la tête vers celle de Tessi, et la contemplait. Elle lui appartenait, oh oui elle lui appartenait, corps et âme il le savait, mais à cet instant son âme n'était plus à lui et son corps à voir l'expression de son visage cela avait beau être un rêve, il ne lui appartenait plus non plus. Oh elle pouvait très bien être avec lui en ce moment mais ça n'y changeait rien, car elle était là sans être là, et il ne pouvait que l'observer sans en tirer le plaisir, ce plaisir qu'il voulait totalement de Tessi et dont une partie lui était volée à chaque fois qu'elle rêvait.

- Lys, sais-tu où tu te trouves ? Il n'espérait aucunement une réponse de sa part, il tenait seulement à lui poser cette question.
- Tu es dans ma maison. Il insista bien sur le "ma", qui il le vit, la fit tressaillir.
- Lys, lys, lys. Pourquoi m'as-tu donné ton nom ? Encore une fois il n'espérait aucunement une réponse de sa part, elle l'avait fait, c'était ça qui comptait.
- Tu me l'as donné, parce que tu me trouves à ton goût. A ce moment elle fit celle qui ne comprenait pas, mais il savait qu'il était dans le vrai. Un pas, le séparait d'elle, ils étaient encore dans le couloir de l'entrée de son appartement. Elle restait muette et ne le quittait pas des yeux. Il pouvait lire dans son visage ce qu'elle pressentait et qui était en partie vraie.
- J'ai fermé la porte à double tour pendant que tu me parlais, tu ne t'en es même pas aperçu. Tu étais trop occupé à soigner ton sourire et à m'expliquer la raison de ta démarche.
- Monsieur... Elle prononça ce mot comme une supplique, c'était le premier depuis qu'il lui avait coupé la parole. Il posa son index sur ses lèvres.
- Si tu pousses un seul cri, ou que tu fais quoi que ce soit pour tenter quoi que ce soit je te tue. Il n'avait pas réellement l'intention de le faire, il voulait juste qu'elle le croit. Sa réaction fût immédiate et au-delà de ses espérances. Son bloc note ainsi que son stylo lui échappèrent des mains. Elle se baissa aussitôt pour les ramasser.
- Excusez-moi, je ne l'ai pas fait exprès, je vous en prie ne me faite pas de mal, je vous en prie. Elle pleurait et s'en voulait profondément.
Lorsqu'elle se releva il la conduisit dans la chambre d'ami. Il n'eut aucun mal à l'en convaincre.

Lorsque les flammes vous lèchent les oreilles, et que donc tout votre corps est en feu, vous prenez conscience du bruit qu’elles font, et que jamais plus vous n’entendrez.

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